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CONTES ET NOUVELLES.

quitter tout cela, tout cela l’œuvre de Dieu, pour aller voir les travaux des hommes ?

Non, mille fois non ; je reste ici.

Bénies soient cependant toutes les idées qui adoucissent l’homme, et qui détruisent les préjugés féroces qui divisent les nations. L’amour de la patrie, comme l’amour de la famille, ne doit pas être un prétexte honnête de haïr tout ce qui est en dehors d’un certain espace. Ce n’est pas avec le cadavre des autres hommes qu’il faut engraisser les guérets de la patrie, c’est avec le fumier des bestiaux nourris dans d’opulents pâturages. Les hommes ne sont pas partagés en différents pays pour se retrancher les uns contre les autres, pour vomir des imprécations et des menaces, et se faire une vertu de la haine, de la rapacité, de l’assassinat, quand ils s’exercent sur des gens qui ne prononcent pas ci ou th comme nous. Les hommes nés sous divers climats, destinés par la Providence à diverses industries, doivent faire produire à la terre et à leur propre génie tout ce qu’ils peuvent produire, et ensuite échanger ces productions variées et perfectionnées, non pas comme des épiciers furieux et implacables,