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ROMAIN D’ÉTRETAT.

l’autre. À chaque instant, les ports de l’un servent d’asile à l’autre contre la tempête et contre la mort ; à chaque instant, vous apprenez qu’un navire français a sauvé des marins anglais, qu’un navire anglais a recueilli des naufragés français.

Je regarderai partir avec intérêt ces steamboats chargés de Français ; j’écouterai ceux qui reviendront ; je lirai les récits de mes amis, cinq ou six hommes d’esprit et de talent que vous avez attirés là-bas, et qui sont bien capables de ne pas gâter la vérité.

Mais je ne puis renoncer même un mois à ce hameau, autrefois solitude choisie, aujourd’hui village trop peuplé, grâce à l’intempérance de ma plume ; car j’ai dénoncé cette retraite, et elle a été envahie ; et il semble parfois à des gens qui y ont été attirés par mon exemple et par mes récits, qui y ont trouvé une vie douce et sans apprêt que j’y avais instituée ; il leur semble que j’y tiens trop de place, et que j’encombre les lieux où ils sont venus s’entasser autour de moi.

On ne pardonne pas volontiers à l’homme qui vit seul, et qui, par son attitude, semble dire aux autres hommes : « Je ne mettrai plus au jeu avec