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ROMAIN D’ÉTRETAT.

On parla de choses et d’autres, et, comme de coutume, on ne se fit pas faute de potins. Cependant, à cette marée, on ne parlait bien volontiers que d’une chose, à savoir : d’une nouvelle levée de jeunes gens qu’on venait de faire dans le bourg. Douze jeunes marins avaient été désignés pour partir le lendemain, et rejoindre le régiment auquel on les avait incorporés.

Douze familles étaient dans le deuil et le chagrin, sans parler des maîtresses et des fiancées des garçons désignés.

— Il paraît, dit une des lavandières, qu’on ne veut plus laisser que des femmes à Étretat ; on enlève tout ce qu’il y a de jeunes gens, et, de ceux qu’on emmène, nous n’en voyons pas revenir.

— Celui qui me fait le plus de peine, dit une autre, c’est mon cousin Romain : on allait le marier la semaine prochaine avec Bérénice Valin, et voilà que le père a déclaré qu’il ne lui donnerait sa fille que quand il serait revenu du service.

— Cependant, dit une troisième, il y a une chose que j’ai remarquée et qui m’a bien éton-