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CONTES ET NOUVELLES.

Ces paroles, composées dans la forêt par Henry, pendant sa route, n’avaient jamais été écrites ; lui-même les avait presque oubliées, et il les entendait sans que la chanteuse se trompât d’un seul mot ; il fit encore quelques pas, et, au détour du sentier, il trouva une clairière tout entourée de hauts châtaigniers et mystérieusement éclairée par la lune.

Il se tapit dans un buisson, et put contempler un étrange spectacle. Des jeunes filles, vêtues de robes blanches et couronnées de fleurs, valsaient en chantant sur la mousse ; mais leurs robes blanches étaient plus blanches qu’aucune étoffe qu’on eût jamais vue, leurs couronnes de fleurs semblaient lumineuses ; leurs pas étaient si légers, qu’on ne savait s’ils touchaient réellement le terre ; leurs voix suaves et mystérieuses ne paraissaient nullement gênées par le mouvement de la valse ; leurs visages surtout étaient d’une effrayante pâleur.

Henry alors se rappela la tradition de la ronde des willis ; jeunes filles abandonnées par leurs promis et mortes sans époux, qui, la nuit, dans les bois, dansent entre elles au clair de la lune ;