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CONTES ET NOUVELLES.

tardai pas à m’apercevoir que j’étais pour quelque chose ; cela m’embarrassa, et je commençais à regretter fort le poulet que j’avais laissé à l’auberge.

À ce moment, une jeune fille traversa la salle, et vint parler bas à madame Gautherot ; c’était cette belle jeune fille dont je t’ai parlé, il y a un an, que j’avais vue à la cathédrale de Lausanne et dont la vue m’avait si fort troublé ; que j’avais revue ensuite, pendant un mois, presque tous les jours, au Signal, sur cette plate-forme de laquelle on voit sous ses pieds la ville avec ses tuiles rouges. Un jour, je l’avais aidée à descendre une côte rapide et glissante, car elle n’était accompagnée que de gens âgés, qui ne pouvaient la secourir en cette circonstance ; depuis, je la saluais en la voyant, et je lui adressais quelques mots ; puis elle était partie, et je ne l’avais plus revue que dans mes rêves. C’était elle, avec ses grands yeux bleus, sa taille svelte, son col flexible, sa démarche gracieuse et aisée.

On la mit en tiers dans la conversation qui se tenait dans l’embrasure de la fenêtre ; je ne tardai pas à l’entendre rire en disant :