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POUR NE PAS ÊTRE TREIZE.

— Allons, ma mère, tranquillisez-vous, je me charge de cela.

Elle disparut quelques instants, puis rentra, et, traversant le salon, vint droit à moi :

— Monsieur, me dit-elle, voulez-vous m’accorder un entretien de quelques instants ?

Je m’étais levé à son approche ; elle me fit signe de m’asseoir, et prit un fauteuil à côté du mien.

— Voici, monsieur, de quoi il s’agit : ma mère ne peut se faire à l’idée d’un dîner où l’on se trouverait treize à table ; monsieur votre oncle devait compléter le nombre de quatorze, avec ces autres jeunes gens que vous voyez.

Et, d’un coup d’œil malicieux, elle me fit remarquer que pas un des convives n’avait moins de cinquante ans.

— Il n’est pas venu, et nous nous sommes trouvés réduits à treize ; c’est pour cela, pour cela seul, qu’on a été vous chercher ; vous n’êtes pas ici comme jeune homme, on n’en reçoit pas dans la maison ; comme homme aimable, on n’a pas encore pu en juger, mais bien comme quatorzième. Voici maintenant que M. Rignoux ne