Page:Karr - Contes et nouvelles, 1867.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
ROMAIN D’ÉTRETAT.

— Allons, maître Pierre, hisse la misaine ; cette petite brise de l’est nous reconduira comme elle nous a amenés.

Et le canot glisse sur la mer.

— Pierre, dis-je à mon matelot, c’est bien ennuyeux de quitter son pays.

— Ah ! monsieur, c’est aussi bien agréable d’y revenir !

— Oui, Pierre, et c’est là le beau côté des voyages. Il y a une punition pour les voyageurs comme pour les inconstants : c’est l’arrivée ; tous les pays et toutes les femmes se ressemblent terriblement.

— Il y a des gens, monsieur, qui non-seulement ne peuvent pas quitter leur pays, mais qui encore aiment mieux s’exposer aux plus terribles dangers que de s’écarter du village, où ils sont nés : témoin Romain d’Étretat.

À ce nom de Romain d’Étretat, je prête l’oreille ; c’est une célèbre histoire que l’histoire de Romain d’Étretat, et qu’on raconte sans cesse ni relâche. Tout le monde la sait sur la côte, mais ce n’est pas une raison ; on se la raconte chacun à son tour, comme on chante souvent la même