Page:Kerigant - Les Chouans - Épisodes des guerres de l’Ouest dans les Côtes-du-Nord, 1882.djvu/164

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sous la guillotine, afin de l’inonder du sang de sa mère, lâchement assassinée[1] : son mari était émigré, elle avait donné asile à des prêtres non assermentés, et cela avait suffi aux tyrans de l’époque pour la livrer au bourreau. Peut-on être surpris, en présence des menaces d’un agent de l’autorité révolutionnaire, peut-être héritier des persécuteurs de leurs familles, que la violence de quelques-uns n’ait plus connu de bornes ?… Non, il faut bien l’avouer, tout en plaignant les victimes, cela ne saurait étonner.

Ce sang répandu dans les premiers jours de mars 1815, je crois, détermina des représailles aussi imprudentes, aussi fâcheuses que le meurtre regrettable dont je viens de parler. En effet, à cette nouvelle, l’autorité départementale, s’abandonnant à une frayeur exagérée, aggrava la situation. Il suffisait de poursuivre les auteurs du meurtre et de les faire juger, ce qui, du reste, eut lieu sous la seconde Restauration ; si mes souvenirs ne me trompent pas, ils furent alors acquittés par le jury. Au lieu d’agir ainsi, l’autorité commit un acte de colère, en faveur duquel on ne saurait invoquer la moindre circonstance atténuante. Sans mandat de justice, obéissant uniquement à un sentiment de vengeance aveugle, elle ordonna, en vertu de prétendus pouvoirs discrétion-

  1. Voir, aux pièces justificatives, annexe n° 5.