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chose en peinture. Le peintre exécute, concrète sa pensée ; il est homme double, artiste et ouvrier, tête et main, imagination et labeur. Nos critiques oublient trop cette dualité, en faisant de grandes phrases sur la part intellectuelle, si inséparable ici de la part matérielle, ils font voir combien peu ils connaissent cet ordre d’étude. L’artiste est fort et complet, si ces deux choses, tête et main, sont puissantes en lui, l’une élevée, l’autre habile. Ah ! si l’exécution chez Delacroix était à la hauteur de sa pensée, de son imagination fulgurante, toute primesautière, quel peintre ! Il égalerait assurément les étoiles de première grandeur, si radieuses dans le beau ciel de l’art depuis Phidias jusqu’à Géricault.

Si donc le littérateur veut raisonner de l’art, il lui faut une éducation particulière. Pour lui, un tableau ou une statue est un livre ; il sépare ce qui est inséparable, saisit le sujet ou l’idée, et va brodant des variations sur le thème proposé par l’artiste.

Pourtant, la littérature a aussi ses dessinateurs et ses coloristes, ses idéalistes, ses réalistes et aussi ses barbouilleurs. Chez Gustave Planche, le dessin, la raideur du style et des idées dominaient ; dans les salons de Thoré, au contraire, on voyait