Page:Kindt - Impressions d une femme au salon de 1859.djvu/90

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ques années, il plut des décamérons. Chacun fit son tableau de fête élégante et champêtre, montrant bon nombre de fillettes aussi avenantes que les plus jolies demoiselles de comptoir, ajustées avec une liberté que le caprice autorise, dessinées avec une désinvolture de pinceau que la campagne excuse, des arbres servant de prétexte à toutes les incartades d’ombre et de lumière, des gazons veloutés, plaqués d’ombres blondes, des ciels fantastiquement jolis. Les bergerades coquettes des précieux du Lignon étaient dépassées en affectation, en maniéré, en faux joli, mais non en grâce et en distinction.

M. Muller fut un de ces faiseurs de décamérons, et il eut, il y a quelque dix ou douze ans, un grand succès, à rendre M. Winterhalter jaloux. Malheureusement pour les artistes de talent pomme M. Muller, il y a des succès qui se payent bien cher ; on est puni par où l’on a péché. On a cherché la popularité à laide du joli, et le joli s’attache à votre chair comme la chemise du centaure Nessus, et vous ne pouvez plus l’arracher sans arracher en même temps votre peau, vos muscles, sans faire couler votre sang.

M. Muller en est réduit là. On dirait que, pour secouer son succès de décaméron, pour s’arracher