Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/127

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quand j’atteignis la couchette de bois placée devant sa porte je m’empressai de m’y asseoir et maître Wardle monta la garde sur moi. Je n’étais plus en état de veiller à ma propre défense.

Quand je revins à moi j’ordonnai au prêtre de me conduire à l’air libre, hors du carré d’Arti-goth et de marcher lentement en avant de moi. Maître Wardle déteste les indigènes, et le prêtre avait plus peur de maître Wardle que de moi, bien que nous fussions tous les deux en colère. Il marcha fort posément par un étroit petit sentier partant de sa cabane. Ce sentier en croisait trois autres, dont celui par lequel j’étais arrivé tout d’abord, et chacun des trois menait vers le Puits-qui-gazouille. À un moment, lorsque nous nous arrêtâmes pour reprendre haleine, j’entendis le puits rire tout seul dans l’herbe drue, et seul le besoin que j’avais de ses services m’empêcha de vider mes deux canons dans le dos du prêtre.

Quand nous débouchâmes à l’air libre le prêtre, d’un bond, se rejeta dans les herbes, et je m’en allai au village d’Arti-goth pour avoir à boire. Cela faisait plaisir d’être à même de voir l’horizon de tous côtés aussi bien que le sol sous ses pas. Les villageois me racontèrent que le carré d’herbe était plein de diables et de fantômes, tous au service du prêtre, et que des hommes, des femmes et des enfants y étaient entrés et n’en étaient jamais revenus. Ils me prétendirent que le prêtre se servait de leurs foies pour des œuvres de sorcellerie. Quand je leur demandai pourquoi ils ne m’avaient pas dit tout cela