Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mandait ses domestiques de Madras. Bref, c’était de tous points la plus douce et gaie, honnête et séduisante petite femme que pût souhaiter le plus exigeant des célibataires. Nulle autre race que la birmane, au dire des gens compétents, ne produit de gouvernantes et de majordomes aussi accomplis. Quand le dernier détachement défila sur le sentier de la guerre le lieutenant qui le commandait trouva à la table de Georgie Porgie une hôtesse à traiter avec déférence, une femme à traiter sous tous rapports comme quelqu’un occupant une position assurée. Quand il rassembla ses hommes à l’aurore suivante pour replonger dans la brousse il repensa avec regret au joli petit dîner et à la jolie figure, et envia Georgie Porgie du fond du cœur. Cependant il était fiancé en Angleterre à une jeune fille, et c’est ainsi que sont faits quelques hommes.

Le nom de la jeune Birmane n’était pas très joli ; mais comme Georgie Porgie eut vite fait de la baptiser Georgina, ce défaut n’a pas d’importance. Georgie Porgie appréciait le dorlotage et tous les agréments qu’elle lui procurait, et il jurait n’avoir jamais dépensé cinq cents roupies à meilleur escient. Au bout de trois mois de vie domestique il lui vint une idée superbe. Le mariage — le mariage anglais s’entend — n’était peut-être pas, pour finir, une si mauvaise chose. Puisqu’il éprouvait un tel agrément là-bas au bout du monde avec cette fille birmane qui fumait des cheroots, ne serait-il pas encore bien plus heureux avec une douce jeune fille anglaise qui ne fumerait pas de cheroots et qui joue-