Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/31

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n’aboyait que quand on le lui ordonnait et qui absorbait chaque jour les rations de deux hommes. Elle parlait à Strickland dans un langage à elle, et chaque fois que dans ses promenades au dehors elle voyait des choses susceptibles de nuire à la paix de Sa Majesté l’Impératrice et Reine, elle allait retrouver son maître pour lui en donner avis. Strickland prenait aussitôt des mesures, et ses efforts aboutissaient à du tracas, de l’amende et de l’emprisonnement pour autrui. Les indigènes croyaient que Tietjens était un démon familier, et la traitaient avec tout le respect qu’engendrent la crainte et la haine. Elle avait une pièce du bungalow réservée à son usage spécial. Elle possédait un lit, une couverture et une auge à boire, et si quelqu’un entrait la nuit dans la chambre de Strickland elle ne manquait pas de jeter à terre l’intrus et de donner de la voix jusqu’à ce que l’on vînt avec une lumière. Strickland lui doit la vie. Comme il était sur la frontière à la recherche d’un assassin local, celui-ci arriva au petit jour dans l’intention d’envoyer Strickland beaucoup plus loin que les îles Andaman, mais Tietjens le surprit alors que, un coutelas entre les dents, il se glissait sous la tente de Strickland, et, la liste de ses forfaits une fois établie aux yeux de la loi, il fut pendu. À partir de cette date Tietjens porta un collier d’argent massif et usa d’une couverture de nuit à monogramme ; et, Tietjens étant une chienne raffinée, ladite couverture était en drap de Cachemire à double épaisseur.

Sous aucun prétexte elle ne voulait se séparer de