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Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/256

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quiquern

Kotuko s’affligeait plus de la perte de son chien que de tout le reste, car, bien qu’un Inuit mange énormément, il sait jeûner aussi. Mais la faim, l’obscurité, le froid, les intempéries affrontées agirent sur sa force de résistance, et il commença à entendre des voix à l’intérieur de sa tête, et à voir du coin de l’œil des gens qui n’étaient pas là. Une nuit — il s’était débouclé après dix heures d’attente à l’orifice d’un trou « aveugle », et se traînait en chancelant vers le village, malade de faiblesse et de vertige, — il fit halte pour s’adosser contre une grosse pierre roulée, posée à la façon des roches branlantes sur la saillie d’une pointe de glace. Son poids rompit l’équilibre de la pierre, qui chavira lourdement, et, comme Kotuko faisait un saut de côté pour l’éviter, elle glissa derrière lui, grinçante et sifflante, sur la glace en talus.

C’en fut assez pour Kotuko. Il avait été élevé à croire que chaque rocher et chaque galet renfermait un habitant (son inua), — c’était généralement une sorte de chose féminine à un œil, appelée une tornaque, — et que, lorsqu’une tornaque voulait venir en aide à un homme, elle se mettait à rouler derrière lui dans sa maison de pierre, et lui demandait s’il désirait la prendre comme bon génie. Aux