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le second livre de la jungle

se répandirent sur ses épaules ; à côté de la peau d’antilope, un petit trou entailla la dalle usée par le pied de la béquille à manche de cuivre ; l’endroit, entre les troncs d’arbres, où l’écuelle reposait chaque jour, s’évida, se polit, jusqu’à former un creux aux parois unies presque à l’égal de la coque elle-même ; et chaque bête connut sa place exacte auprès du feu. Les champs variaient leurs couleurs suivant les saisons, les aires s’emplissaient et se vidaient, pour se remplir encore, et, l’hiver revenu, de nouveau les langurs s’ébattaient au milieu des branches duvetées de neige légère, jusqu’au moment où les mères singes ramenaient du fond des vallées chaudes leurs petits bébés aux yeux désolés. Le village subissait peu de changements : le prêtre était plus vieux ; parmi les enfants qui avaient coutume d’apporter l’écuelle, beaucoup envoyaient leurs propres fils à présent ; et, quand on demandait aux villageois depuis combien de temps le saint homme habitait le Temple de Kali à l’entrée de la passe, ils répondaient : « Depuis toujours. »

Un été, les pluies tombèrent en telle abondance qu’on ne se souvenait pas d’avoir vu pareille chose depuis beaucoup de saisons dans la montagne. Pendant trois grands mois, la vallée fut envelop-