Aller au contenu

Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
le miracle de purun bhagat

pée de nuages et détrempée de brume, une pluie drue et sans relâche fit rage en une succession dorages et d’averses. Le Temple de Kali demeurait la plupart du temps au-dessus de la région des nuages, et il se passa un mois entier sans que le Bhagat pût apercevoir son village un instant : il était enseveli, perdu sous une couche blanche de nuées, qui oscillaient, se déplaçaient, roulaient sur elles-mêmes, s’enflaient vers le ciel, mais ne franchissaient jamais les jetées que leur formaient les parois ruisselantes de la vallée.

Tout ce temps, il ne fit qu’entendre les murmures de l’eau par millions ; elle bruissait dans les arbres au-dessus de sa tête, courait à ses pieds sur le sol, filtrait à travers les aiguilles de pin, s’égouttait aux languettes des fougères versées, bondissait au liane des collines à travers les canaux fangeux qu’elle venait de se creuser.

Puis, le soleil parut et dégagea le bon encens des déodars et des rhododendrons, et cette odeur lointaine et pure que les montagnards appellent « l’odeur des neiges ». Le soleil chauffa la terre une semaine durant ; enfin, les pluies se rassemblèrent pour leur dernier déluge, et l’eau tomba en nappes qui mettaient à nu les os de la terre et rejaillissaient