Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supplément, et je veux le traiter par un mépris injurieux. Les Tyrone et O’Hara ! O’Hara et les Tyrone, vingt dieux ! C’est dur de se remettre les jours d’autrefois dans la bouche, mais même quand on les a toujours dans la tête.

Suivit un silence prolongé.

— O’Hara était un diable. Bien que cette fois-là je l’aie sauvé pour l’honneur du régiment, je le dis aujourd’hui. C’était une rosse… ce grand type hardi, à cheveux noirs, était une rosse !

— En quel sens ? demanda Ortheris.

— Les femmes.

— Alors j’en connais un autre.

— Pas plus que de raison, si c’est moi que tu veux dire, espèce d’échalas tortu. J’ai été jeune, et pourquoi n’aurais-je pas pris ce qui s’offrait ? Ai-je jamais, quand j’étais caporal, employé le prestige de mon grade… des galons de laine et qu’on m’a repris, chose d’autant plus triste que c’est ma faute à moi… pour avancer une basse intrigue, comme l’a fait O’Hara ? Ai-je, quand j’étais caporal, pris en grippe quelqu’un pour lui faire continuellement une vie de chien ? Ai-je menti, comme mentait O’Hara, si bien que les bleus du Tyrone devenaient pâles, craignant que Dieu dans sa colère ne les tuât tous en un tas, comme il a tué la femme de Devizes ? Non ! J’ai commis mes péchés, mais m’en suis con-