Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/182

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comme elle était longue pour moi. Depuis Pubbi jusqu’ici j’ai parcouru chaque lieue de la route, et depuis Nowshera je n’ai plus pour guide que la Voix et le désir de vengeance.

J’arrivai à l’Uttock, mais elle ne m’arrêta point. Ho ! ho ! On a bien le droit de faire un jeu de mots, même dans son ennui. L’Uttock, pour moi, n’était pas un uttock[1], et par-dessus le bruit des eaux déferlant sur le gros rocher, j’entendis la Voix qui disait : « Va à droite. » J’allai donc à Pindigheb, et durant ces jours-là je perdis entièrement le sommeil, et la tête de la femme des Abazai fut devant moi nuit et jour, telle qu’elle était tombée entre mes pieds. Dray wara yow dee ! dray wara yow dee ! Le feu, les cendres et ma couche, tous les trois ne font qu’un ! tous les trois ne font qu’un !

J’étais alors loin du chemin d’hiver des marchands qui étaient partis à Sialkot, et aussi dans le sud par la voie ferrée et la grand’route jusqu’à la ligne des garnisons ; mais à Pindigheb se trouvait campé un sahib qui m’acheta une jument blanche à un bon prix et me dit qu’un nommé Daoud Shah avait passé avec des chevaux, allant à Shahpur. Je vis donc que l’avertissement de la Voix était vrai, et fis diligence pour arriver aux montagnes de Sel. La

  1. Obstacle.