Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/183

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Jhelum était en crue, mais je ne pouvais attendre, et dans la traversée, un étalon bai fut emporté et noyé. En cet endroit Dieu me fut cruel : non à cause de la bête, car d’elle je n’avais souci, mais par ce qu’il me ravit encore. Tandis que j’étais sur la rive droite à pousser les chevaux dans l’eau, Daoud Shah était sur la gauche ; et quand nous arrivâmes sur l’autre rive dans la lumière du matin… alghias ! alghias !… les sabots de ma jument éparpillèrent les cendres chaudes de ses feux. La terreur de la mort lui donnait des ailes. Et de Shahpur je me dirigeai vers le sud à vol de milan. Je n’osai pas me détourner de crainte de manquer ma vengeance… à laquelle j’ai droit. À partir de Shahpur je longeai le cours de la Jhelum, car je pensais qu’il éviterait le désert de la Rechna. Mais, plus loin, à Sahiwal, je repris la route et traversai Jhang, Samundri et Gugera. Une nuit, la jument tachetée se heurta le poitrail à la barrière de la voie ferrée qui va à Montgomery. Et cet endroit était Okara, et la tête de la femme des Abazai gisait sur le sable entre mes pieds.

De là j’allai à Fazilka, et on me dit que j’étais fou d’y amener des chevaux fourbus. La Voix m’accompagnait et je n’étais pas fou, mais seulement ennuyé de ce que je n’arrivais pas à rattraper Daoud Shah. Il était écrit que je ne le trouverais pas à