Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/254

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créé ce fleuve ! Qu’y puis-je ? Ma cabane avec tout ce qu’elle renferme est au service du sahib, et il commence à pleuvoir. Venez, monseigneur. Comment voulez-vous que la rivière baisse parce que vous lui lancez des injures ? Dans l’ancien temps les Anglais n’étaient pas ainsi. Le char-à-feu les a rendus mous. Dans l’ancien temps, lorsqu’ils roulaient de jour ou de nuit derrière des chevaux, ils ne disaient rien si une rivière leur barrait le chemin, ou si une voiture s’enlisait dans la boue. C’était la volonté de Dieu… et non pas comme avec ce char-à-feu qui va et va et va, et qui irait toujours même si tous les diables de la terre se pendaient à sa queue. Le char-à-feu a gâté les Anglais. Après tout, qu’est-ce qu’un jour de perdu, ou, pendant qu’on y est, qu’est-ce que deux jours ? Est-ce que le sahib se rend à ses propres noces, qu’il est dans cette folle hâte ? Ha ! ha ! ha ! je suis un vieillard et je vois peu de sahibs. Pardonnez-moi si j’ai oublié le respect qui leur est dû. Le sahib n’est pas fâché ?

À ses propres noces ! Ho ! ho ! ho ! L’esprit d’un vieillard est comme l’arbre numah. Il porte à la fois fruit, bourgeon et fleur, avec les feuilles mortes de toutes les années précédentes. Le vieux et le neuf et ce qui est sorti de la mémoire, tous les trois sont là ! Asseyez-vous sur le lit, sahib, et buvez du lait. Ou bien… en vérité le sahib daignerait-il goûter de