Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/99

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ennemi, et qu’il y aurait plus de place pour l’un des deux dans un autre monde.

Ce fut peut-être bien le diable qui combina les choses, mais il est positif que Losson avait depuis longtemps pris l’habitude d’asticoter Simmons, sans but déterminé. Cela lui donnait de l’occupation. Tous deux étaient voisins de lit, et ils passaient quelquefois toute l’après-midi à s’injurier ; mais Simmons avait peur de Losson et n’osait le défier au combat. Il se remémorait ses paroles dans la paix des nuits ardentes, et la moitié de la haine qu’il portait à Losson, il la déversait sur l’infortuné coolie de panka.

Losson acheta au bazar un perroquet, le mit dans une petite cage qu’il descendit dans la fraîcheur ténébreuse d’un puits, et s’installa sur la margelle à crier de haut en bas des gros mots au perroquet. Il lui apprit à dire : « Simmons, tu es un so-ôr », ce qui veut dire cochon, et plusieurs autres choses entièrement impossibles à publier. C’était un gros homme vulgaire, et quand le perroquet savait la phrase correctement, un rire le secouait comme de la gélatine. Simmons, de son côté, tremblait de rage, car toute la chambrée se moquait de lui… tant le perroquet avait l’air voyou avec ses plumes vertes ébouriffées et tant il semblait humain, quand il jacassait. Losson donc s’asseyait sur le bord de son