Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si noire tous les chats semblent gris. Pourtant je dois vous dire que le savetier Lebrecht, que l’on a récemment libéré, tournait depuis longtemps autour de la fille. Je disais déjà l’automne dernier : « Écoute, Ève, le gredin rôde autour de la maison, cela ne me plaît pas. Dis-lui que tu n’es pas un morceau pour lui, sans quoi, sur mon âme, je lui ferai la conduite à coups de bâton ». Elle me répond : « Je crois que tu me cherches noise ». Pourtant elle lui a dit quelque chose, mais je ne sais pas quoi, ce n’était ni chair ni poisson. Là-dessus j’ai flanqué Lebrecht dehors.

Adam.

Ah ! c’est Lebrecht, le drôle ?

Ruprecht.

Oui, Lebrecht.

Adam.

Bien. Ça c’est un nom. Tout va s’éclaircir. L’avez-vous consigné, monsieur le greffier ?

Lumière.

Oh oui ! et tout le reste, monsieur le juge.

Adam.

Continue maintenant, Ruprecht, mon fils.

Ruprecht.

Ce fut pour moi un trait de lumière de rencontrer le couple à onze heures, moi qui m’en allais toujours à dix ! Et je me dis : Halte-là ! il est temps, heureusement, Ruprecht ! Il ne te pousse pas encore un bois de cerf, mais tu feras bien de te tâter soigneusement le front pour voir s’il ne s’y préparait pas quelque chose de cornu. — Et je me faufile doucement par la porte du jardin, je me cache dans un fourré d’ifs, et j’entends qu’on chuchote, qu’on plaisante, qu’on se tire par-ci, monsieur le juge, qu’on se tire par-là. Sur mon âme, j’ai cru que j’allais…