Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/47

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mutuelles mais à les ébranler. Certains Grands-Russiens ayant acheté des propriétés en Ukraine pensaient introduire dans les familles petites-russiennes la cohésion grande-russienne et amener la suppression du parcellement ; le résultat était des scènes affreuses : non seulement les frères étaient toujours sur le point d’en venir aux mains, mais les fils mêmes traînaient leurs pères par les cheveux pour les mettre à la porte. Plus le principe de l’autorité de la famille et de la force du lien de parenté pénètre dans la vie, plus il lui nuit.

L’Ukranien est un fils respectueux quand ses parents lui laissent une liberté complète ; eux-mêmes dans la vieillesse se soumettent à sa volonté ; il est bon frère quand il vit avec son frère comme un voisin, n’ayant avec lui rien de commun, rien d’inséparable. La règle : À chacun son bien ! s’observe dans les familles ; un adulte ne mettra pas le vêtement d’un autre membre, même les enfants gardent strictement ce qui est à eux. En Grande-Russie, chez les paysans souvent deux sœurs ne savent pas quelle est leur fourrure et les enfants n’ont pas la moindre idée de propriété particulière.

La propriété communale de la terre et la responsabilité personnelle pour le mir sont aux yeux du Petit-Russien un esclavage tout à fait intolérable et une abominable injustice. Ne rien oser nommer sien, être esclave d’une idée abstraite de mir, être responsable d’un autre sans qu’on le désire, tout cela est opposé à la nature et au passé de l’Ukranien. La Hromada petite-russienne (commune) n’est pas du tout le mir russe. La Hromada est une réunion volontaire des gens, y entre ou en sort qui veut ; comme chez les Cosaques zaporogues tous pouvaient à leur guise entrer dans la société ou s’en retirer.

D’après l’idée populaire chaque membre de la Hromada est un personnage particulier, un propriétaire indépendant ; ses obligations envers la Hromada se bornent à la sphère des rapports qui établissent un lien entre ses membres pour la défense mutuelle et le profit de chacun, tandis que, d’après les idées grandes-russiennes, le mir est l’expression abstraite de la volonté générale, qui absorbe la personnalité individuelle de chacun. La principale différence ici vient naturellement de la communauté agraire. Dès lors que le membre du mir ne peut donner à la portion de la terre qu’il cultive le nom de propriété il n’est plus un homme