Page:Kotzebue - Supplement au theatre choisi.djvu/146

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que pensez-vous ? je vous le donne en cent… en mille… Vous ne devinez pas ?… Oh ! je le crois bien… ma pommade… oui… ma pommade… c’est comme je vous dis… vingt fois, trente fois je lui répète, ne l’oublie pas… songe que cette pommade est essentielle au bonheur de mon existence… que sans elle je ne suis pas assuré de me présenter avec succès… car il faut que vous sachiez, ma divinité, que ce n’est qu’à Paris qu’on en fait de semblable… Mon pays (je suis fâché de le dire, car… plus ou moins, on tient à sa patrie) mon pays n’en saurait fournir de cette sorte… c’est un moëlleux, une odeur… un parfum délicieux… Je vous dis, il n’y a que le premier parfumeur du Roi pour la faire, et qui en faisait exprès pour moi, parce que je le payais grassement… Vingt fois me trouvant de jour chez la princesse Adélaïde, elle m’a fait compliment sur l’odeur suave que ma pommade répandait dans son appartement… Jugez à présent, mon adorable, et vous, mon colonel ; oubliée… totalement oubliée… laissée, abandonnée dans l’embrasure d’une fenêtre. Je le vois d’ici mon trésor ; exposé à tous les dangers, détruit, rongé par les rats !… Ah ! cette idée me met au désespoir… Et croiriez-vous, mon colonel, qu’il y a trente ans que ce coquin est dans ma maison ; qu’il m’a vû naître… par reconnaissance pour quelques légers services qu’il m’a rendu dans mon enfance, mon bon homme de père m’a forcé à