Page:Kotzebue - Supplement au theatre choisi.djvu/224

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pieds son or. (elle jette la bourse) Aussi méprisable à mes yeux, qu’il me parut grand autrefois, cette terre que j’habite près de lui me devient insuportable ; l’air m’en paraît plus pesant, depuis que je sais que nous le respirons ensemble : il me semble à chaque pas y voir le tombeau de mon père entr’ouvert. L’image de celui qui y fit descendre ses cheveux blancs avec amertume, me poursuit partout et me ravit le repos. Ah ! qu’il ne pense pas que je sois venue dans ces lieux pour le chercher. Si je croyais qu’il pût en concevoir l’idée, sans attendre le retour de mes forces épuisées, je me traînerais loin des lieux où tout me rappelle mes malheurs. À présent, monsieur, je crois avoir tout dit, tout ce que l’état de faiblesse, sous lequel je gémis depuis si long-temps, m’a laissé la faculté de prononcer. Il me reste cependant encore quelque chose d’essentiel à ajouter : peut-être est-il des momens, où tourmenté par des remords qu’on n’est pas toujours maître d’étouffer, il se rappelle ses promesses, ses sermens, ces jours, où pénétré d’amour, il me jura de n’avoir jamais que moi pour femme, qu’il en prit, à mes pieds, à la face du ciel, notre seul témoin, l’engagement solennel et sacré. Oh ! dites-lui, que j’ai tout oublié, jusqu’au sentiment même qui dans ce moment m’abuse sur sa sincérité. Il peut être tranquille : jamais je ne lui en rappelerai le souvenir. Dites-lui, que trop grande, trop fière… Wilhelmine, au sein même de l’adversité, se croirait