B…, négociant, trente-six ans, d’apparence tout à fait virile, avait des besoins énormes, de même que moi-même. Il savait donner à ses manipulations sur mon corps un tel charme que je dus lui servir de cynède. C’est le seul avec lequel j’éprouvai dans le rôle passif quelque jouissance. Il m’avoua que, rien qu’en me sachant près de lui, il était pris d’érections très tourmentantes : quand je ne pouvais pas le servir, il était obligé de se soulager par la masturbation.
Malgré ces amourettes, j’étais assistant de clinique à l’hôpital et je passais comme très zélé et très capable dans mon métier. Bien entendu, j’ai cherché dans toute la littérature médicale une explication de ma bizarrerie sexuelle. Partout je la trouvais stigmatisée comme un délit qui mérite d’être puni, tandis que moi je n’y pouvais reconnaître que la simple et naturelle satisfaction de mes désirs sexuels. J’avais la conscience que cette particularité m’est venue de naissance ; mais, me sentant en antagonisme avec le monde entier, et souvent près de la folie et du suicide, j’essayais toujours et toujours de satisfaire avec les femmes mon immense appétit génital. Le résultat était toujours le même : ou il y avait absence de toute érection ou, quand je réussissais à faire l’acte, il y avait dégoût et horreur d’y revenir.
Étant médecin-major, je souffris énormément à la vue et au contact de milliers de corps d’hommes nus. Heureusement, je contractai une liaison d’amour avec un lieutenant qui partageait mes sentiments, et je passai encore une fois une période de divines délices.
Par amour pour lui, je me laissai décider à la pædicatio[ws 1], que son âme désirait tant. Nous nous aimâmes jusqu’à sa mort, à la bataille de Sedan. Depuis, je n’acceptai plus jamais la pædicatio ni passive, ni active, bien que j’aie eu beaucoup d’amourettes et que je sois un personnage très demandé.
À l’âge de vingt-trois ans, je suis allé m’établir comme médecin à la campagne, j’étais très couru et très aimé comme médecin. Pendant cette période, je me satisfaisais avec des garçons de quatorze ans. Je me suis, à cette époque, lancé dans la vie politique et brouillé avec le clergé. Un de mes amants me trahit, le clergé me dénonça et je fus forcé de prendre la fuite. L’enquête judiciaire conclut en ma faveur. J’ai pu rentrer, mais je fus vivement ébranlé et je profitai de la guerre qui venait d’éclater (1870) pour servir sous les armes, espérant trouver la mort. Je rentrai de la guerre, avec nombre de distinctions honorifiques ; homme
- ↑ sodomie