Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/363

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Quand j’eus atteint l’âge de vingt-cinq ans, il arriva un jour qu’un ancien capucin me fixa du regard. Il devint pour moi comme un Méphisto. Enfin il m’adressa la parole. Aujourd’hui encore, en y pensant, je crois sentir les battements précipités de mon cœur ; j’étais près de m’évanouir. Il me donna rendez-vous pour le soir dans un restaurant. J’y allai ; mais, arrivé à la porte, je m’en retournai ; je redoutais des mystères terribles. La soirée suivante, le capucin me rencontra de nouveau. Il me persuada, m’amena dans sa chambre, car c’est à peine si je pouvais marcher, tellement mon émotion était grande. Mon séducteur me fit asseoir sur le canapé, me fixa en souriant de ses beaux yeux noirs : je perdis connaissance.

Il me faudrait beaucoup écrire pour pouvoir donner une idée approximative de cette volupté, de ces joies divines et idéales qui remplissaient toute mon âme ; je crois que seul un jeune homme innocent, amoureux par-dessus les oreilles, qui, pour la première fois, arrive à satisfaire sa langueur amoureuse, pourrait être aussi heureux que je le fus dans cette soirée mémorable. Mon séducteur exigea ma vie par plaisanterie – (ce que je pris d’abord au sérieux). Je le priai de me laisser être heureux encore pendant quelque temps, et alors je serais prêt à mourir avec lui. C’eût été bien conforme à mes idées exaltées de cette époque. J’entretins alors pendant cinq ans une liaison avec cet homme qui m’est encore si cher aujourd’hui. Ah ! que j’étais heureux à cette époque, mais souvent aussi malheureux ! Je n’avais qu’à le voir causer avec un joli garçon, et la rage de la jalousie s’éveillait en moi.

À l’âge de vingt-sept ans, je me suis fiancé avec une jeune dame. Son esprit, ses sentiments délicats et esthétiques ainsi que des raisons financières, dans l’intérêt de mon commerce, me décidèrent à songer à me marier avec elle. D’ailleurs, je suis un grand ami des enfants, et toutes les fois que je rencontrais un pauvre journalier qui avait avec lui sa femme et un bel enfant, j’enviais son bonheur de père de famille.

Je m’illusionnais donc moi-même ; je traversai sans accident ma période de fiançailles ; cependant, en embrassant ma fiancée, j’éprouvais plutôt de l’angoisse et de la peur que du plaisir. Une ou deux fois il arriva pourtant qu’après un copieux dîner, en l’embrassant vivement et courageusement, j’eus des érections. Que j’étais alors heureux ! Je me voyais déjà papa ! Deux fois je fus sur le point de rompre le mariage. Le jour des noces, – les