Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/102

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audacieux. Mais la grande masse de la bourgeoisie courbait honteusement le dos devant le roi et sa cour, devant le noble, devant le domestique du noble. Qu’on lise seulement les actes municipaux de l’époque et l’on verra de quelle vile bassesse sont imprégnées les paroles de la bourgeoisie d’avant 1789. C’est la lâcheté la plus ignoble qui suinte de leurs paroles, — n’en déplaise à M. Louis Blanc et autres adulateurs de cette bourgeoisie. C’est d’un désespoir profond que sont inspirés les quelques rares révolutionnaires de l’époque lorsqu’ils jettent un regard autour d’eux, et Camille Desmoulins disait avec raison cette parole célèbre : — « Nous étions à peine une douzaine de républicains à Paris avant 1789. »




Et néanmoins quelle transformation trois ou quatre ans plus tard ! Dès que la force de la royauté est tant soit peu ébranlée par la marche des événements, le peuple commence à s’insurger. Durant toute l’année 1788, ce ne sont que petites émeutes partielles des paysans ; comme les petites grèves partielles d’aujourd’hui, elle éclatent çà et là sur la surface de la France, mais peu à peu elles s’étendent, se généralisent, deviennent plus âpres, plus difficiles à vaincre.

Deux années auparavant, on osait à peine demander une diminution de redevances (comme on demande aujourd’hui une augmentation de salaires). Deux ans plus tard, en 1789, le paysan va déjà plus loin. Une idée générale surgit : celle de secouer complètement le joug du noble, du prêtre, du bourgeois propriétaire. Dès que le paysan s’aperçoit que le gou-