Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/103

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vernement n’a plus la force de résister à l’émeute, il s’insurge contre ses ennemis. Quelques hommes résolus vont mettre le feu aux premiers châteaux, tandis que la grande masse, encore soumise et peureuse, attend que les flammes des châteaux brûlant sur les collines montent jusqu’aux nuages, pour accrocher les receveurs d’impôts aux potences qui ont vu le supplice des précurseurs de la Jacquerie. Mais cette fois-ci la troupe ne vient pas pour réprimer l’insurrection, elle est occupée ailleurs, et la révolte se propage de hameau en hameau, et bientôt la moitié de la France est en feu.

Tandis que les futurs révolutionnaires de la bourgeoisie se prosternent encore à genoux devant le roi, tandis que les grands personnages de la future révolution cherchent à maîtriser l’émeute par des bribes de concessions, les villages et les villes s’insurgent, bien avant la réunion des États généraux et les discours de Mirabeau. Des centaines d’émeutes (Taine en connaît trois cents) éclatent dans les villages, avant que les Parisiens, armés de piques et de quelques méchants canons, s’emparent de la Bastille.

Dès lors, il devient impossible de maîtriser la révolution. Si elle eût éclaté seulement à Paris, si elle n’eût été qu’une révolution parlementaire, elle eût été noyée dans le sang, et les hordes de la contre-révolution eurent promené le drapeau blanc de village en village, de ville en ville, en massacrant les paysans et les sans-culottes. Mais, heureusement, dès le début, la révolution avait pris un autre caractère. Elle avait éclaté presque simultanément en mille endroits ; dans chaque village, dans chaque bourg, dans chaque grande ville des provinces insurgées, les minorités