Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/256

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l’autre. On a bien vu, en effet, des gouvernements despotiques — c’est l’essence de tout gouvernement d’être pour la réaction contre la révolution et de tendre nécessairement au despotisme ; — mais on n’a jamais vu un gouvernement révolutionnaire, et pour cause. C’est que la révolution — synonyme de « désordre », de bouleversement, de renversement en quelques jours des institutions séculaires, de démolition violente des formes établies de la propriété, de destruction des castes, de transformation rapide des idées admises sur la moralité, ou plutôt sur l’hypocrisie qui en tient la place, de liberté individuelle et d’action spontanée — est précisément l’opposé, la négation du gouvernement, celui-ci étant synonyme de « l’ordre établi », du conservatisme, du maintien des institutions existantes, la négation de l’initiative et de l’action individuelle. Et néanmoins, nous entendons continuellement parler de ce merle blanc, comme si un « gouvernement révolutionnaire » était la chose la plus simple du monde, aussi commune et aussi connue de chacun que la royauté, l’empire ou la papauté !

Que les soi-disant révolutionnaires bourgeois prêchent cette idée — cela se comprend. Nous savons ce qu’ils entendent par Révolution. C’est tout bonnement un replâtrage de la république bourgeoise ; c’est la prise de possession par les soi-disant républicains, des emplois lucratifs, réservés aujourd’hui aux bonapartistes ou aux royalistes. C’est tout au plus le divorce de l’Église ou de l’État, remplacé par le concubinage des deux, la séquestration des biens du clergé au profit de l’État et surtout des futurs administrateurs de ces biens, peut-être encore, le referendum, ou quelque