Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/280

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d’abolir la propriété individuelle dans deux cents ans ou dans deux mille ans ! On ne se pose pas des questions oiseuses sur ce qu’il sera bon de faire dans deux cents ans ! Lorsqu’on parlait d’abolition de la propriété individuelle, on en reconnaissait la nécessité dès aujourd’hui, et il était convenu qu’il fallait en faire la tentative lors même de la prochaine révolution. — « La prochaine révolution » — disaient les socialistes il y a dix ans (et ceux qui sont restés socialistes le disent encore) — « la prochaine révolution ne doit plus être un simple changement de gouvernement, suivi de quelques améliorations de la machine gouvernementale : elle doit être la Révolution Sociale. »

Cette conviction sur la nécessité de se préparer pour l’expropriation lors de la prochaine révolution, constituait l’idée-mère du socialiste ; c’est cela qui le distinguait de tous ceux qui admettent aussi la nécessité de quelques améliorations dans le sort de l’ouvrier, qui vont parfois jusqu’à convenir que le communisme est l’idéal de la société future, mais qui n’admettent certainement pas qu’on cherche à réaliser le communisme du jour au lendemain.

Professant ces idées, le socialiste était sûr de ne pas être confondu avec ses ennemis. Il était sûr que le nom de socialiste ne serait pas escamoté par ceux qui veulent tout bonnement le maintien de l’exploitation actuelle.




Tout cela a changé aujourd’hui.

D’une part il se constituait au sein de la bourgeoisie un noyau d’aventuriers qui comprenaient que sans en-