Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/285

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la force d’inertie de ceux qui ont intérêt à maintenir l’ancien régime, elles étouffent dans l’atmosphère suffocante des anciens préjugés et des traditions. Les idées reçues sur la constitution des États, sur les lois d’équilibre social, sur les relations politiques et

    après que « les grands principes de 1789 » eurent été proclamés et la Révolution mise en si bon train par la Constituante, la Législative et la Convention !

    Suivant nous, au contraire, les soulèvements des paysans dans les campagnes et des va-nu-pieds dans les villes commencent à s’accentuer dès 1788. Ils deviennent plus nombreux dans les campagnes et se précisent (pour l’abolition des droits féodaux) dès les premiers mois de 1789 ; ils continuent jusqu’en 1793. Si la bourgeoisie paie d’audace en mai-juillet 1789, si le 4 août l’aristocratie fait la comédie du « sacrifice de ses droits sur l’autel de la patrie » — c’est que depuis février la France paysanne est déjà en insurrection : elle ne paie plus les redevances, elle s’ameute contre les seigneurs ; ceux qu’on appelle « la canaille des grandes villes » sont déjà en ébullition. L’insurrection de Paris du 11 au 14 juillet 1789, celles de Strasbourg et des autres grandes villes, ne sont point ces émeutes bien peignées dont on nous parle, ce ne sont pas des protestations contre la chute de Necker : ce sont de vrais soulèvements des va-nu-pieds contre les riches en général —, soulèvements dont la bourgeoisie s’empare, qu’elle endigue, qu’elle dirige, pour faire tomber le pouvoir royal.

    Ce que l’on voit, en 1789, dans les campagnes et les villes, se continue pendant les quatre années que dure la Révolution. Jacqueries à plusieurs reprises dans les villages, soulèvements continuels dans les cités.

    Pour s’en convaincre, il suffirait de consulter, par exemple, le rapport de Grégoire, présenté au nom du Comité féodal, en février ou janvier 1790. On y voit déjà l’extension de la Jacquerie à cette époque. Et pour comprendre comment la Jacquerie devait inévitablement continuer afin d’abolir le rachat des redevances féodales et d’obtenir le retour aux Communes des terres accaparées par les seigneurs, il suffirait encore de mentionner le décret du 18 juin 1790 — décret qui ordonnait encore le maintien de certaines « dîmes