Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/286

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économiques des citoyens entre eux, ne tiennent plus devant la critique sévère qui les sape chaque jour, à chaque occasion, dans le salon comme dans le cabaret, dans les ouvrages du philosophe comme dans la conversation quotidienne. Les institutions politiques,

    tant ecclésiastiques qu’inféodées », ainsi que le paiement, « jusqu’au rachat, des champarts, terrages, agriers et autres redevances payables en nature », et qui défendait en même temps « à toutes personnes d’apporter aucun trouble aux perceptions des dîmes, parts, etc., soit par des écrits, soit par des discours, soit par des menaces, à peine d’être punis comme perturbateurs du repos public ». Ce décret, promulgué dix mois après la fameuse nuit du 4 août, presque un an après la prise de la Bastille, montre assez ce que le paysan aurait gagné si la Jacquerie n’avait pas continué.

    C’est pourquoi M. Taine, quel que soit le flot d’injures qu’il déverse sur le peuple — probablement pour payer un tribut au style académique —, est bien près de la vérité lorsqu’il parle de cinq ou six Jacqueries qui se suivent pendant la Révolution. Au fond, l’insurrection des paysans a duré plus de quatre ans — depuis 1788 jusqu’en 1793 —, jusqu’à ce que la Convention, reconnaissant enfin les faits accomplis et revenant sur les décrets précédents concernant les droits féodaux et les terres communales, ordonnât le retour aux Communes des terres accaparées par les seigneurs ; au profit de tous les paysans, propriétaires et prolétaires, et abolît définitivement, non seulement les droits féodaux mais aussi le rachat de ces droits, imposé par la Constituante. Comme toutes les Jacqueries, d’ailleurs, celle-ci n’est point universelle ni continue. Elle s’éteint, puis elle reprend ; elle meurt dans un endroit pour renaître dans un autre ; elle change de place, comme pendant la guerre des paysans du seizième siècle.

    Sans cette insurrection, appuyée par les insurrections dans les villes, la Révolution serait incompréhensible : elle eût été impossible. Le grand historien du XVIIIe siècle, Schlosser, avait fort bien entrevu cette difficulté. — « Comment se pouvait-il que Robespierre eût pu tenir ainsi la France ? » disait-il un jour à l’abbé Grégoire, à quoi Grégoire répondit par ces mots qui résument si