Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/319

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pas donné au peuple français tout ce qu’il avait droit d’en espérer, ce n’est pas qu’il eût trop discuté sur le but de la révolution, dont il sentait l’approche. Le soin de déterminer ce but et de voir ce qu’il y aurait à faire, a toujours été abandonné aux meneurs qui ont invariablement trahi le peuple, comme de raison. Ce n’est pas que le peuple eût eu une théorie toute faite qui l’empêchât d’agir — il n’en avait aucune. La bourgeoisie, en 1848 et en 1870, savait fort bien ce qu’elle allait faire le jour où le peuple renverserait le gouvernement. Elle savait qu’elle s’emparerait du pouvoir, le ferait sanctionner par des élections, armerait le petit bourgeois contre le peuple et que, tenant en ses mains l’armée, les canons, les voies de communication et l’argent, elle lancerait ses mercenaires contre les travailleurs, le jour où ils oseraient revendiquer leurs droits. Elle savait ce qu’elle allait faire le jour de la Révolution.

Mais le peuple n’en savait rien. Dans la question politique, il répétait, après la bourgeoisie : République et suffrage universel en 1848 ; en mars 1871 il disait avec la petite bourgeoisie : « La Commune ! » Mais, ni en 1848, ni en 1871, il n’avait aucune idée précise de ce qu’il fallait entreprendre pour résoudre la question du pain et du travail. « L’organisation du travail », ce mot d’ordre de 1848 (fantôme ressuscité dernièrement sous une autre forme par les collectivistes allemands), était un terme si vague qu’il ne disait rien ; de même le collectivisme, tout aussi vague, de l’Internationale de 1869 en France. Si, en mars 1871, on eût questionné tous ceux qui travaillèrent à l’avènement de la Commune sur ce qu’il y avait à faire pour résoudre la question du pain et du travail,