Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/320

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— quelle terrible cacophonie de réponses contradictoires eût-on reçu ! Fallait-il prendre possession des ateliers au nom de la Commune de Paris ? Pouvait-on toucher aux maisons et les proclamer propriété de la cité insurgée ? Fallait-il prendre possession de tous les vivres et organiser le rationnement ? Fallait-il proclamer toutes les richesses entassées dans Paris, propriété commune du peuple français, et appliquer ces moyens puissants à l’affranchissement de toute la nation ? — Sur aucune de ces questions il n’y avait d’opinion formée au sein du peuple. Préoccupée des besoins de la lutte immédiate, l’Internationale avait négligé de discuter à fond ces questions. — « C’est du roman, c’est de la théorie que vous nous faites » — criait-on à ceux qui les abordaient ; et lorsqu’on parlait de Révolution sociale, on se bornait à la définir par des mots tout aussi vagues, comme Liberté, Égalité, Solidarité.




Loin de nous l’idée d’élaborer un programme tout fait pour le cas d’une révolution. Un pareil programme ne ferait que gêner l’action ; beaucoup en profiteraient même pour se faire ce sophisme : — « Puisque nous ne pouvons pas réaliser notre programme, ne faisons rien, ménageons notre sang précieux pour une meilleure occasion. »

Nous savons fort bien que tout mouvement populaire est un acheminement vers la révolution sociale. Il réveille l’esprit de révolte, il habitue à considérer l’ordre établi (ou plutôt le désordre établi) comme éminemment instable ; et il faut la sotte arrogance