Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/35

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poussière des bibliothèques et s’incarner dans le tumulte de la réalisation pratique.




Décadence et décomposition des formes existantes et mécontentement général ; élaboration ardue des formes nouvelles et désir impatient d’un changement ; élan juvénile de la critique dans le domaine des sciences, de la philosophie, de l’éthique, et fermentation générale de l’opinion publique ; d’autre part, indifférence paresseuse ou résistance criminelle de ceux qui détiennent le pouvoir et qui ont encore la force et, par soubresauts, le courage de s’opposer au développement des idées nouvelles.

Tel fut toujours l’état des sociétés à la veille des grandes révolutions ; tel il est encore aujourd’hui. Ce n’est pas l’imagination surexcitée d’un groupe de turbulents qui vient l’affirmer ; c’est l’observation calme et scientifique qui le dévoile ; si bien que ceux même qui, pour excuser leur coupable indifférence, se plaisent à dire : « Tranquillisons-nous, il n’y a pas encore péril en la demeure, » ceux-là même laissent échapper l’aveu que la situation s’envenime et qu’ils ne savent pas trop où nous allons. Seulement, après s’être soulagés par cet aveu, ils se détournent et de nouveau se mettent à ruminer sans pensée.

« Mais on l’a si souvent annoncée, cette révolution ! » — soupire à côté de nous le pessimiste ; « moi-même j’y ai cru un moment, et pourtant elle n’arrive pas ! » — Elle n’en sera que plus mûre. « À deux reprises, la Révolution fut sur le point d’éclater, en 1754 et en 1771, » nous dit un historien en parlant du dix-hui-