Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/38

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Et le petit artisan, blotti dans les ténèbres de sa cave humide, les doigts gelés et l’estomac creux, se débattant du matin au soir pour trouver de quoi payer le boulanger et nourrir ces cinq petites bouches, d’autant plus aimées qu’elles deviennent plus livides à force de privations ? Et, cet homme, qui a couché sous la première arcade venue, parce qu’il n’a pu se payer le luxe de coucher pour un sou dans le dortoir commun, — croyez-vous qu’ils n’aimeraient pas voir un peu si dans ces palais somptueux il ne se trouve pas un coin sec et chaud pour y loger les familles, plus honnêtes, à coup sûr, que celle du gros bourgeois ? Qu’ils n’aimeraient pas voir dans les magasins de la commune assez de pain pour tous ceux qui n’ont pas appris à être des fainéants ; assez de vêtements qui habillent les maigres épaules des enfants du travailleur aussi bien que les chairs molles des enfants du gros bourgeois ? Croyez-vous que ceux qui portent les haillons ne savent pas qu’il se trouverait dans les magasins d’une grande ville largement de quoi suppléer aux premières nécessités de tous les habitants, et que si tous les travailleurs s’appliquaient à la production d’objets utiles, au lieu de s’étioler à la confection d’objets de luxe, ils en produiraient assez pour toute la commune et pour tant d’autres communes voisines ?

Enfin, peut-on admettre que, ces choses se disant et se répétant partout et surgissant d’elles-mêmes sur toutes les lèvres dans les moments de crise (souvenons-nous du siège de Paris !) le peuple ne cherche pas à les mettre en pratique le jour où il s’en sentira la force ?