Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions, qui se sont produites dans chaque individu séparément. L’espèce sera ce que seront les individus, subissant chacun les influences sans nombre des milieux dans lesquels ils vivent, et auxquels ils répondent chacun à leur façon.

Et quand le physiologue parle de la vie d’une plante ou d’un animal, il y voit plutôt une agglomération, une colonie de millions d’individus séparés, qu’une personnalité une et indivisible. Il vous parle d’une fédération d’organes digestifs, sensuels, nerveux, etc., tous très intimement liés entre eux, tous subissant le contre-coup du bien-être ou du malaise de chacun, mais vivant chacun de sa vie propre. — Chaque organe, chaque portion d’organe, à son tour, est composé de cellules indépendantes qui s’associent pour lutter contre les conditions défavorables à leur existence. L’individu est tout un monde de fédérations, il est tout un cosmos à lui seul !

Et dans ce monde, le physiologue voit les cellules autonomes du sang, des tissus, des centres nerveux ; il reconnaît les milliards de corpuscules blancs — les phagocytes — qui se portent aux endroits du corps infectés par des microbes, pour y livrer bataille aux envahisseurs. Plus que cela : dans chaque cellule microscopique, il découvre aujourd’hui un monde d’éléments autonomes, dont chacun vit de sa vie propre, recherche pour lui-même le bien-être et l’atteint par le groupement, l’association avec d’autres que lui. Bref, chaque individu est un cosmos d’organes, chaque organe est un cosmos de cellules, chaque cellule est un cosmos d’infiniment petits ; et dans ce monde complexe, le bien-être de l’ensemble dépend entièrement de la somme de bien-être dont jouit chacune des moin-