Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/312

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ce qu’était une grève, il y a quarante ans en Angleterre, et ce qu’elle est encore dans presque toutes les contrées d’Europe, surtout les plus pauvres. Aujourd’hui encore, les grèves se terminent souvent par la ruine totale et l’émigration forcée de populations entières ; et quant à la fusillade des grévistes, pour la plus légère provocation, ou même sans provocation aucune[1], c’est encore tout à fait habituel en Europe.

Cependant, chaque année, il y a des milliers de grèves et de contre-grèves patronales en Europe et en Amérique — et les luttes les plus longues et les plus terribles sont, en général, celles qu’on nomme « les grèves de sympathie », entreprises par les ouvriers pour soutenir leurs camarades renvoyés en masse, ou pour défendre les droits d’association. Et tandis qu’une partie de la presse est disposée à expliquer les grèves par « l’intimidation », ceux qui ont vécu parmi les grévistes parlent avec admiration de l’aide et du soutien mutuel qui sont constamment pratiqués par eux. Tout le monde a entendu parler de la somme énorme de travail qui fut fournie par les ouvriers volontaires pour organiser des secours pendant la grève des ouvriers des docks de Londres ; ou bien des mineurs anglais qui, après avoir eux-mêmes chômé pendant bien des semaines, payaient une contribution de 4 shillings par semaine aux fonds de la grève, dès qu’ils avaient repris leur travail ; de la veuve du mineur qui, pendant la grande grève dans le Yorkshire en 1894, apporta aux fonds des grévistes les épargnes qu’avait pu faire son mari durant toute sa vie ; de la dernière miche de pain

  1. Voir, par exemple, les discussions sur les grèves de Falkenau, en Autriche, devant le Reichstag autrichien, le 10 mai 1894 dans lesquelles le fait a été pleinement reconnu par le Ministère et le propriétaire de la houillère. Consulter également la presse anglaise à cette époque.