Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/134

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l’effet de la prise de la Bastille sur les campagnes et le contre-coup de l’insurrection des paysans sur les décisions de l’Assemblée nationale. Au fait, concevoir les événements de cette façon, c’est rapetisser la profonde portée du mouvement dans les campagnes.

Le soulèvement des paysans pour l’abolition des droits féodaux et la reprise des terres communales, enlevées aux communes villageoises depuis le dix-septième siècle par les seigneurs laïques et ecclésiastiques, — c’est l’essence même, c’est le fond de la grande Révolution. Là-dessus vient se greffer la lutte de la bourgeoisie pour ses droits politiques. Sans cela la Révolution n’eût jamais eu la profondeur qu’elle atteignit en France. Ce grand soulèvement des campagnes qui commença dès janvier 1789 (et même dès 1788) et qui dura cinq années fut ce qui permit à la Révolution d’accomplir l’immense travail de démolition que nous lui devons. C’est ce qui la mit à même de planter les premiers jalons d’un régime égalitaire, de développer en France l’esprit républicain, que rien n’a pu étouffer depuis, et de proclamer les grands principes de communisme agraire que nous allons voir surgir en 1793. Ce soulèvement, enfin, c’est ce qui fait le caractère propre de la Révolution française et ce qui la distingue profondément de la Révolution de 1648-1657 en Angleterre.

Là aussi, la bourgeoisie abattit, dans le courant de ces neuf années, le pouvoir absolu de la royauté et les privilèges politiques de la camarilla. Mais, à côté de cela, ce qui fait le trait distinctif de la Révolution anglaise, c’est les luttes pour le droit de chaque individu de professer la religion qu’il lui plaira, d’interpréter la Bible