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jette dans la maison de l’Ammeister (le maire) Lemp, et cette maison est dévastée.

Par l’organe de son « Assemblée de la bourgeoisie », le peuple demandait (je cite textuellement) des mesures « pour assurer l’égalité politique des citoyens et leur influence dans les élections des administrateurs du bien commun et de ses juges librement éligibles. »[1] Il voulait qu’on passât par-dessus la loi, et qu’une nouvelle municipalité, ainsi que de nouveaux juges, fussent élus au suffrage universel. Le Magistrat, c’est-à-dire le gouvernement municipal, de son côté, ne le voulait guère « et opposoit l’observance de plusieurs siècles au changement proposé. » Sur quoi le peuple vint assiéger l’Hôtel-de-Ville, et une grêle de pierres se mit à pleuvoir dans la salle où avaient lieu des pourparlers du Magistrat avec les représentants révolutionnaires. Le Magistrat céda.

Entre temps, voyant les miséreux descendre dans la rue, la bourgeoisie aisée s’armait contre le peuple et se présentait chez le commandant de la province, le comte Rochambeau, « pour obtenir son agrément que la bonne bourgeoisie soit armée et unie aux troupes pour faire la police, » — ce que l’état-major de la troupe, imbu d’idées aristocratiques, ne manqua pas de refuser, comme l’avait fait de Launey à la Bastille.

Le lendemain, le bruit s’était répandu en ville que le Magistrat avait révoqué ses concessions, le peuple vint de nouveau assaillir l’Hôtel-de-Ville, en demandant l’a-

  1. Lettre des représentants de la bourgeoisie aux députés de Strasbourg à Versailles, 28 juillet 1789. (R. Reuss, L’Alsace pendant la Révolution française, Paris 1881, documents, XXVI.)