Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/229

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créanciers, lui saisir d’un commun accord ses provinces, comme ce serait le cas si un État européen en révolution se déclarait en banqueroute. Mais il fallait penser aux prêteurs intérieurs, et si la France avait suspendu ses paiements, c’eût été la ruine de tant de fortunes bourgeoises, que la Révolution eût contre elle toute la bourgeoisie, grande et moyenne, – tout le monde sauf les ouvriers et les paysans les plus pauvres. Aussi l’Assemblée constituante, l’Assemblée législative, la Convention, et plus tard, le Directoire, durent-ils faire des efforts inouïs pendant toute une suite d’années pour éviter cette banqueroute.

La solution à laquelle s’arrêta l’Assemblée à la fin de 1789 fut celle de saisir les biens de l’Église, de les mettre en vente, et de payer en retour au clergé un salaire fixe. Les revenus de l’Église étaient évalués en 1789 à cent vingt millions pour les dîmes, à quatre-vingt millions d’autres revenus rapportés par les propriétés diverses (maisons, biens-fonds, dont la valeur était estimée à un peu plus de deux milliards) et à trente millions environ de contribution, ajoutés chaque année par l’État ; soit 230 millions par an. Ces revenus étaient évidemment répartis de la façon la plus injuste entre les divers membres du clergé. Les évêques vivaient dans un luxe recherché et rivalisaient en dépenses avec les riches seigneurs et les princes, tandis que les curés des villes et des villages, « réduits à la portion congrue », vivaient dans la misère. Il fut donc proposé par Talleyrand, évêque d’Autun, dès le 10 octobre, de prendre possession de tous les biens de l’Église au nom de l’État ; de les vendre ; de doter suffisamment