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le clergé (1.200 livres par an à chaque curé, plus le logement), et de couvrir avec le reste une partie de la dette publique, qui se montait à 50 millions de rentes viagères et à 60 millions de rentes perpétuelles. Cette mesure permettrait de combler le déficit, d’abolir le restant de la gabelle et de ne plus tabler sur les « charges » ou places d’officiers et de fonctionnaires que l’on achetait à l’État. En mettant en vente les biens de l’Église, on voulait aussi créer une nouvelle classe de laboureurs qui seraient attachés à la terre dont ils se seraient rendus propriétaires.

Ce plan ne manqua certainement pas d’évoquer de fortes craintes de la part de ceux qui étaient propriétaires fonciers. – « Vous nous conduisez à la loi agraire ! » fut-il dit à l’Assemblée. – « Toutes les fois, sachez-le, que vous remonterez à l’origine des propriétés, la nation y remontera avec vous ! » C’était reconnaître qu’à la base de toute propriété foncière il y avait l’injustice, l’accaparement, la fraude, ou le vol.

Mais la bourgeoisie non propriétaire fut enchantée de ce plan. Par ce moyen on évitait la banqueroute, et les bourgeois trouvaient des biens à acheter. Et comme le mot « expropriation » effrayait les âmes pieuses des propriétaires, on trouva le moyen de l’éviter. On dit que les biens du clergé étaient mis à la disposition de la nation, et l’on décida qu’on en mettrait de suite en vente jusqu’à concurrence de 400 millions. Le 2 novembre 1789 fut la date mémorable, où cette immense expropriation fut votée à l’Assemblée par cinq cent soixante-huit voix contre trois cent quarante-six. Contre trois cent quarante-six ! Et ces opposants, devenus dès lors ennemis