Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/439

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question, alors que le sang coulait aux frontières. Les rois conjurés le savaient eux-mêmes, ils le comprenaient à merveille.

Quant à la théorie développée par Robespierre et Saint-Just, d’après laquelle la République avait le droit de tuer en Louis XVI son ennemi, Marat eut parfaitement raison de protester. Cela aurait pu se faire pendant ou immédiatement après la lutte du 10 août, mais non pas trois mois après le combat. Maintenant, il ne restait plus qu’à juger Louis XVI, avec toute la publicité possible, afin que les peuples et la postérité pussent juger eux-mêmes de sa fourberie, de son jésuitisme.

En ce qui concerne le fait même de haute trahison de la part de Louis XVI et de sa femme, nous, qui avons en mains la correspondance de Marie-Antoinette avec Fersen et les lettres de celui-ci à divers personnages, nous devons reconnaître que la Convention jugea bien, alors même qu’elle n’avait pas les preuves accablantes que nous possédons aujourd’hui. Mais elle avait tant de faits accumulés dans le courant des trois dernières années, tant d’aveux échappés aux royalistes et à la reine, tant d’actes de Louis XVI depuis sa fuite à Varennes qui, quoique amnistiés par la Constitution de 1791, n’en servaient pas moins à expliquer ses actes ultérieurs, — que tous eurent la certitude morale de sa trahison. Personne, même parmi ceux qui essayèrent de sauver Louis XVI, ne contesta le fait de sa trahison. Le peuple de Paris, non plus, n’avait pas de doute à ce sujet.

En effet, la trahison commença par la lettre que Louis XVI écrivit à l’empereur d’Autriche, le jour même