Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/537

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emprunt forcé que l’on faisait pour une fois dans des circonstances extraordinaires.

Chose frappante, qui prouve de façon remarquable l’impuissance des parlements. Certainement il n’y eut jamais un gouvernement qui inspirât plus de terreur que la Convention de l’an II de la République. Et cependant, cette loi concernant l’emprunt forcé ne fut pas obéie. Les riches ne payèrent pas. L’emprunt coûta immensément, mais comment le prélever sur les riches qui ne voulaient pas payer ? La saisie ? La vente ? Mais cela demandait tout un mécanisme, et il y avait déjà tant de biens nationaux mis en vente ! Matériellement, l’emprunt fut un insuccès. Mais comme l’intention des Montagnards avancés était aussi de préparer les esprits à l’idée d’égalisation des fortunes, et de lui faire faire un pas en avant, — sous ce rapport ils atteignirent leur but.

Plus tard, même après la réaction thermidorienne, le Directoire eut aussi recours, à deux reprises, au même moyen, — en 1795 et en 1799. L’idée du superflu et du nécessaire avait fait son chemin. Et l’on sait que l’impôt progressif devint le programme de la démocratie pendant le siècle qui suivit la Révolution. Il fut même appliqué dans plusieurs États, mais dans des proportions beaucoup plus modérés — si modérées qu’il n’en resta plus que le nom.