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mêmes idées trouvèrent écho dans plusieurs cahiers des électeurs, qui demandaient, soit le droit de tous à la possession du sol, soit « l’égalisation des fortunes ».

On peut même dire que le prolétariat parisien posait déjà ses revendications et qu’il trouvait des hommes pour bien les exprimer. L’idée de classes distinctes, ayant des intérêts opposés, est nettement exprimée dans le Cahier des pauvres du district de Saint-Étienne du Mont, par un certain Lambert, « un ami de ceux qui n’ont rien. » Travaux productifs, salaire insuffisant (le living wage des socialistes anglais), la lutte contre le laissez faire des économistes bourgeois, l’opposition de la question sociale à la question politique s’y trouvaient déjà[1].

Mais c’est surtout après la prise des Tuileries, et encore plus après l’exécution du roi, c’est-à-dire en février et en mars 1793, que ces idées commencèrent à être propagées ouvertement. Il paraîtrait même — du moins c’est Baudot qui l’affirme — que si les Girondins se posèrent en défenseurs si acharnés des propriétés, ce fut par peur de l’influence que la propagande égalitaire et communiste prenait à Paris[2].

  1. « Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais que deux classes réellement distinctes de citoyens, les propriétaires et les non-propriétaires, dont les premiers ont tout, et les autres n’ont rien », disait le Cahier des pauvres. – « Que servira une constitution sage à un peuple de squelettes qu’aura décharné la faim ? » demande l’auteur des Quatre cris d’un patriote (Chassin, Le génie de la Révolution, éd. 1863, t. I, pp. 287, 289).
  2. On trouve dans les Notes historiques sur la Convention nationale, le Directoire, l’Empire et l’exil des votants, par M. A. Baudot, publiées par madame Edgar Quinet (Paris, 1893), une note très intéressante où il est dit qu’Ingrand pensait que le système « du bien commun » (du communisme), développé par Buonarroti, « prit naissance quelque temps avant les événements du 20 juin, que ces événements durent leur naissance à cet esprit d’association » (pp. 10-11). Pétion en aurait donné avis à un grand nombre de députés ; « il paraît », continue Baudot, « que les Girondins ne mirent tant de raideur et d’âcreté dans leur système que dans la crainte de voir prédominer la doctrine des associés. » Plus tard, quelques ex-conventionnels, on le sait, se rallièrent à ces idées et entrèrent dans la conspiration de Babeuf.