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Chapitre IV


CE QUE J’AI APPRIS EN SIBÉRIE. — EXILÉS POLONAIS DANS LA SIBÉRIE ORIENTALE. — LEUR RÉVOLTE. — JE QUITTE LE SERVICE MILITAIRE.


Les années que je passai en Sibérie m’apprirent bien des choses que j’aurais difficilement apprises ailleurs. Je compris bientôt l’impossibilité absolue de rien faire de réellement utile aux masses par l’intermédiaire de la machine administrative. Je me défis de cette illusion à tout jamais. Puis je commençai à comprendre non seulement les hommes et les caractères, mais aussi les ressorts intimes de la vie sociale. Le travail édificateur des masses inconnues, dont on parle si rarement dans les livres, et l’importance de ce travail édificateur dans l’évolution des formes sociales, m’apparurent en pleine lumière. Voir, par exemple, comment les communautés de Doukhobortsy (frères de ceux qui à cette heure colonisent le Canada et qui trouvent une aide si généreuse en Angleterre et aux États-Unis) émigrèrent vers la région de l’Amour ; constater les avantages immenses qu’ils trouvaient dans leur organisation fraternelle semi-communautaire ; être témoin du succès de leur colonisation au milieu des échecs de la colonisation par l’État, c’étaient là des enseignements que les livres ne peuvent point donner.