Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/467

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Les brusques attaques de mélancolie, dont j’ai déjà parlé, et durant lesquelles Alexandre II se reprochait à lui-même d’avoir donné à son règne un caractère réactionnaire, prirent alors la forme de violentes crises de larmes. Il restait assis et pleurait pendant des heures, remplissant Mélikov de désespoir. Il demandait alors à son ministre : « Quand votre projet de réforme constitutionnel sera-t-il prêt ? » Mais quand Mélikov venait lui dire deux jours après que son projet était prêt, l’empereur semblait avoir tout oublié ! « Vous ai-je parlé de cela ? demandait-il. A quoi bon ? Il vaut mieux laisser ce soin à mon successeur. Ce sera son don de joyeux avènement à la Russie. »

Lorsque le bruit d’un nouveau complot parvenait à ses oreilles, il était prêt à entreprendre quelque chose, pour donner satisfaction au Comité Exécutif ; mais quand tout semblait être calme dans le camp révolutionnaire, il prêtait de nouveau l’oreille aux conseils des réactionnaires et laissait les choses aller leur train. Mélikov s’attendait tous les jours à être renvoyé.

En février 1881, Mélikov informa l’Empereur qu’un nouveau complot avait été ourdi par le Comité Exécutif, mais qu’il n’avait rien pu savoir de précis sur le plan adopté, en dépit des nombreuses recherches qu’il avait faites.

Alexandre II décida alors qu’une sorte d’assemblée consultative, composée de délégués des provinces, serait convoquée. Toujours hanté par la pensée qu’il partagerait le sort de Louis XVI, il conçut cette assemblée comme une sorte d’Assemblée des Notables, analogue à celle qui fut convoquée par Louis XVI avant l’Assemblée Nationale de 1789. Le projet devait être préalablement soumis au Conseil d’État, mais alors le tsar hésita de nouveau. Ce fut seulement le matin du 1er/13 mars 1881, après un nouvel avertissement de Loris Mélikov, qu’il ordonna de présenter le projet au Conseil d’État le jeudi suivant.

On était au dimanche, et Mélikov le pria de ne pas sortir