Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/494

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous dit le directeur de la prison, qui désireront gagner quelque chose en faisant quelques travaux manuels, pourront s’employer à coudre des corsets ou à graver de petits objets de nacre. Ce travail est très mal payé ; mais vous ne pouvez être employés dans les atÉliers de la prison à la fabrication des lits de fer, ou des cadres pour tableaux, et ce — parce que vous seriez obligés de demeurer avec les détenus de droit commun. » Comme les autres détenus, nous étions autorisés à faire venir de la cantine de la prison quelque supplément de nourriture et un demi-litre de vin, le tout à des prix très modérés et de bonne qualité.

La première impression que Clairvaux produisit sur moi fut des plus favorables. Nous avions passé toute la journée du voyage, depuis deux ou trois heures du matin, enfermés dans les cages étroites qui composent ordinairement les voitures cellulaires. A notre arrivée à la prison, on nous conduisit provisoirement dans le quartier cellulaire, destiné aux prisonniers de droit commun, dont les cellules étaient du type ordinaire, mais très propres. On nous servit, malgré l’heure avancée de la nuit, un repas chaud, simple, mais de bonne qualité, et chacun de nous put avoir un verre de bon vin du pays, que la cantine de la prison vendait au prisonnier au prix très modique de 24 centimes le litre. Le directeur et les gardiens étaient très polis à notre égard.

Le surlendemain, le directeur de la prison me montra les chambres qu’il avait l’intention de nous donner, et comme je lui faisais remarquer qu’elles étaient très convenables mais seulement un peu trop petites pour nous tous — nous étions vingt-deux — et que cet entassement pourrait être la cause de maladies, il nous donna une série d’autres pièces dans le bâtiment qui avait servi autrefois de logement au supérieur de l’abbaye et où se trouvait maintenant l’hôpital. Nos fenêtres donnaient sur un petit jardin, au-delà duquel nous jouissions d’une vue magnifique sur la campagne environnante. C’est dans une chambre voisine de ce même