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Page:Krudener - Valerie.djvu/100

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sois que ce bonheur-là étoit innocent, et je m’y livrois ; j’étois plus tranquille depuis que je ne songeois qu’à courir, à acheter des fleurs, à orner et arranger la salle comme je voulois qu’elle le fût.

Hier donc, nous partîmes d’assez bon matin pour arriver à Sala avant la chaleur. Valérie comptoit seulement y déjeuner et revenir le soir à Venise. Il y eut une course de chevaux, donnée par mylord E…, qui vient souvent chez le comte, et que Valérie intéresse beaucoup, sans qu’elle-même s’en aperçoive. On déjeuna dans des bosquets impénétrables aux rayons du soleil, La matinée se prolongea : on voulut danser ; mais les femmes, prévenues qu’il y auroit un bal le soir, préférèrent la promenade, et Valérie bouda un peu. Cela nous mena assez tard. La marquise de Rici, instruite de nos projets, proposa à la comtesse de ne pas coucher à Venise, mais de passer chez elle le reste de la journée et la nuit : on partit fort gaiement.

Nous arrivâmes les derniers chez la marquise. Les femmes avoient eu soin d’apporter d’autres robes, et elles parurent toutes très élégamment vêtues. Valérie éprouvoit un moment d’embarras ; sa robe étoit chiffonnée ; elle avoit couru dans les bosquets ; et, quoiqu’elle me parût mille fois plus jolie, je la voyois promener des regards inquiets sur sa personne. Une de ses manches s’étoit un peu déchirée, elle y mit une épingle ; son chapeau parut lui peser, elle l’ôta, le remit : je voyois tout cela du coin de l’œil. La marquise la laissa un